Nostalgie, utopie : les potentialités politiques des tabous temporels de la démocratie libérale

Nous assistons depuis quelque temps à un renouveau d’intérêt pour les catégories de nostalgie et d’utopie. Or, la brèche entre le savoir érudit sur cette thématique et son usage au quotidien dans des discours médiatiques est immense. L’histoire conceptuelle de ces deux termes demeure largement inconnue au-delà des réseaux de recherche spécialisés, « nostalgie » et « utopie » n’étant fréquemment compris qu’en tant que mots élémentaires et péjoratifs mobilisés pour écarter les inquiétudes de ceux qui se montrent « mésadaptés » à un présent qui est toujours à certains égards insatisfaisant mais auquel nous sommes censés consentir afin d’être « réalistes ».

L’architecture temporelle de la démocratie libérale se révèle ainsi l’expression par excellence de ce que l’historien français François Hartog avait désigné comme « présentisme » dans son ouvrage marquant Régimes d’historicité (Seuil, 2003), soit un ordre social du temps qui survalorise le présent au lieu de tenir compte de la valeur « nostalgique » du passé ou de celle « utopique » de l’avenir, et en ce faisant, ignore les potentialités politiques propres à ces deux catégories.

Nous invitons ainsi des chercheurs et des chercheuses dans toutes les disciplines académiques à réfléchir sur la question suivante : comment est-ce que la recherche savante sur la nostalgie et sur l’utopie peut contribuer à nuancer notre mobilisation de ces concepts dans leur usage public et quotidien, et comment ces deux catégories peuvent-elles nous servir à penser le politique au-delà du fenêtre d’Overton (qui désigne le périmètre des idées jugées acceptables dans l’espace public d’une société donnée à un temps spécifique) temporel de notre époque ? La question peut être abordée autour des thématiques suivantes :

1. La mobilisation idéologique des catégories de passé, présent, et avenir en politique ;

2. L’histoire politique et/ou culturelle de la nostalgie et de l’utopie ;

3. La relation entre nostalgie et utopie au contemporain (« rétrotopie », etc.) ;

4. La médiatisation de ces concepts (dans les médias traditionnels, les réseaux socionumériques, les

fictions et la culture populaire) ;

5. Les imaginaires politiques dans les discours d’information et de fiction ;

6. La critique de l’utopie et de la nostalgie en tant que postures non-réalistes ;

7. Les usages de la nostalgie et de l’utopie dans la fiction, ou comme contrefactuels ;

8. La nostalgie et l’utopie dans leur rapport à la modernité.

Les personnes intéressées à participer sont invitées à soumettre un résumé de proposition ne dépassant pas 300 mots à l’adresse courriel suivante : [email protected]. Les propositions seront sélectionnées en fonction de leur clarté, de leur pertinence et de leur accessibilité. En plus du résumé, le courriel devra inclure :

• le nom de la personne,

• son affiliation institutionnelle et son champ de spécialisation (s’il y a lieu),

• son cycle d’études ou son titre d’emploi (le cas échéant),

• le titre de sa communication.

La date de tombée pour la soumission de la proposition est le vendredi 14 février 2025.